La Compagnie ne passe plus qu’un jour sur deux. La cloche de l’usine n’a pas
encore braillé, les collecteurs crochètent déjà dans la benne le maigre métal.
La lame à la main, sans perdre une seconde. Les yeux derrière la tête, sous peine de
se faire découper gras par la horde. Chez nous il n’y a plus rien à ramasser depuis
longtemps, ricane le Russe. Au volant Hans pousse la machine à fond, pied vissé
au plancher. Les mange-fers craignent autant la marmaille des caniveaux que la
pénurie de ferraille. Mort pour mort rien à perdre. Une poubelle en fer blanc !
Le pactole. Le Russe crâne la bouche ouverte, une fois j’ai ramassé de l’inox je vous
jure. Personne ne relève. À l’angle de l’avenue de la Liberté, Hans voit bien l’ombre
qui pousse son petit tas de feuillards criblés de rouille. Un petit coup à droite et il
accélère dessus sans hésiter. La Compagnie possède le monopole. |
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